Quand Benjamin est entré dans le delicatessen à Fernande *, son coeur ne battait pas la chamade, personne ne se tenait dans l’embrasure de la porte et il y avait encore moins de volutes. Pas question de fumer nulle part entre quatre murs. Illégal. (Exit les trois tournures qui me tombent sur les nerfs)
Il reconnaît son oncle, bien assis sur sa banquette, la bedaine flattant le rebord de la table.
— Salut le jeune, assis-toé!
— Slu…
— Fernande, apporte une grosse poutine au jeune, y’a rien que la peau pis le Nitendo sul’corps
— S’correct, mon’oncle…
— Eye, y parlait de toi sul’journal hier. Té un ti-gars de la réforme qui entre au cidjep toué?
— Oui.
— Ouin… C’est comme si vous zétiez toutes des attardés, tabarnak!
— Genre, mais je m’en…
Fernande, toujours en deuil de son petit-fils, profite de sa remise en liberté pour travailler le plus possible pour pouvoir se payer un avocat qui a de l’allure. Elle dépose l’assiette devant le jeune Benjamin, en souhaitant que son oncle radin daigne lui verser un pourboire décent.
— Ci, Fernande! Comme ça, le jeune, tu veux une d’jobine?
— Style. C’est ça que m’an a dit.
— Ben tu diras à ta mère qu’à vienne plus souvent! Me voir ben entendu!!!!
Là, le mon’oncle éructe le gaz du jus de houblon pris une heure plus tôt.
— Té un ostie de cochon mon’oncle!
— Benjamin, m’a te dire une chose. Si tu veux faire ton chemin dans vie, il faut respecter les signes qui se présentent. Faque demain, tu téléphones au numéro que je vas te donner, tu demandes François, tu dis ton nom au complet. Pas de style genre comme. Une voix solide. Pis t’as la job.
— Ouais, mais mon’oncle, c’est pour vider des osties de poubelles!
— R’garde le jeune. Tu rentres au cidjep avec des nuages dans ton civi pis tu vas chier sur 9.50 $ de l’heure? R’garde ben mon ti-gars. Tu vides les poubelles, tu passes du Pledge où ce qui faut, pis c’est toute!
— Maudite job plate…
— Quand tu gagnes, mon petit, c’est jamais plate. De toute façon, mon chum est clair là dessus. Ce sera pas plate. Y’a un juge en avant, pis plein d’avocats. À part des crottes de nez en d’sous des chaises, ça fait yinke suer un peu ce monde-là. Sauf qu’y m’a dit que si tu trouvais des cartrons avec des signes comme = et $$, ben tu les gardes.
— Ben merci mon’oncle. M’a le faire. Maman l’a dit. Un peu de pushing, ça fait pas de mal, genre.
— S’cuse le jeune. Fernande? T’es certain que c’est ton chum qui fait les parcomètres?
— T’inquiètes, le gros. Il le sait qu’il faut pas qu’il touche à ta grosse Buick…
— C’est de même que ça marche, mon Benjamin. Quand t’as des contacts, ben la vie est plus facile. Sauf qu’il y a toujours des mangeux de marde. Comme ce Luidgi qui vient d’entrer.
— Manque plus que Mario!
— Arrête de faire le con. C’te gars là, ben y’a fait son argent de façon pas très catholique. Même si tu sais pas ce que c’est, parce que c’est pu dans z’écoles, je veux dire. Y’a fait son cash pas trop drette. Il attend juste que Fernande soit en dedans pour y acheter son bloc à rabais. Le raser. Pis construire des condos. Benjamin? Tu me suis?
— Passe-moi le ketchup mon’oncle.
— Pis toué, passe-moi le journal. Cé tu dégueulasse!
— De kessé?
— Ben y prennent nos câlisses de taxes pour essayer de savoir que nos politiciens sont corrompus, tabouère! Toute la même clique, même bullshit. Entéka, mange mon Benjamin. Pis sois gentil avec mon chum François. C’est mon nom qu’y est en jeu…
— Ouin, mon’oncle!
* Vedette de la nouvelle La petite vache du delicatessen
5 commentaires:
lololol! Excellent! :) Merci pour la rigolade! :)
Superbe. Longue vie à Fernande et à son delicatessen!
Ha ha. Bravo François. C'est franchement un morceau de bravoure, autofiction, clins d'oeil à l'actualité, joual bon teint, quartier populaire,
Plus plus plus.
Beau moment de lecture!
Faque je vas rester accroc j'pense surtout qu'ya kekchose qui m'dit qu'y aura d'autres zhistoires de mègne ....Comme un onglet en haut de ta page appelé : Delicatessen :)
J'avais pas vu ce nouvel onglet. T'as encore de bons yeux, Pierre.
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