Coucou!

Coucou!

J'ai honte. Six ans. Sans donner de nouvelles. Facebouette a pris toute la place.

Si L'Ermite revient et que Gen nous recommande d'écrire, ben… J'ai décidé de revenir. Pas facile comme décision, parce que pour moi, ça implique de la régularité. Que je ne suis pas certain de maintenir.

Du côté publication, une nouvelle dans le collectif C'est arrivé à Val-d'Or, publié par  les Éditions du Quartz en 2015.

Le titre de ma nouvelle : On ne confie pas son tiroir de bobettes à n’importe qui 

Puis je me suis remis à l'écriture. Un autre roman jeunesse. Policier avec tueur en série. Mais mon manuscrit - L'avent,  ben oui, un livre de Noël! - que j'ai traîné pendant trois ans avait un défaut évident comme le nez dans le visage.

Je n'avais pas d'ados dans mon histoire… Mon éditrice m'a dit de foncer. Et de le laisser pour les adultes. Je sais, l'Ermite me l'a suggéré il y a longtemps.

Je vous partage le début du prologue. Juste le début, faut que je me garde du stock…  


1966

Jeudi 1er décembre. Ernest se présente au travail comme tous les jours. Noël approche et il sait qu’il devra augmenter la cadence. Les souliers de la North American Shoes, les NAS comme on les appelle, tirent bien leur épingle du jeu. Toutes les familles de Frontenac portent des NAS aux pieds. Une fierté locale. Même si depuis quelque temps, le rythme de production se maintient, les nouveaux modèles fabriqués ne changent pas depuis plusieurs mois. Faire vivre une usine de chaussures, les plus beaux du monde clamait la devise publicitaire, dans une municipalité comme Frontenac, relevait de l’exploit. Les ventes performaient, malgré que l’on dise que les Américains écoulaient plus de souliers pour moins chers. Pour qui se rendait dans la grande ville était en mesure de s’en procurer d’un style plus moderne et surtout, à meilleur prix.

En entrant travailler ce matin-là, Ernest était convaincu de pouvoir apposer davantage de semelles que le mois précédent. Il en allait du bonus de Noël. « Amenez-en des godasses, Ernest-la-semelle en avait trimé d’autres ! ». Avant chaque quart, il avait pris l’habitude de pincer les extrémités de sa moustache noire, un geste superstitieux qui marquait le début d’une bonne production. Il avait aussi hâte à la fin de la journée. Fini les yeux qui plissent. Sa vision s’était détériorée et sa femme l’avait convaincu de prendre rendez-vous chez l’oeilliste, comme elle le nommait, pour acheter des lunettes.

« Chéri, tu travailles avec précision, il faut bien que tu voies comme du monde ! » L’homme avait réussi à mettre de l’argent de côté pour y voir plus clair.
Ernest n’est jamais parvenu à sa machine-qui-pose-des-semelles. En entrant à l’usine, il est convoqué au bureau du directeur. Fernande, la marcheuse, s’y trouve déjà, assise sur l’une des deux chaises près de la porte du surintendant.

« Bonjour Fernande ! »
La femme aux cheveux poivre et sel renifle en serrant un petit mouchoir dans la manche gauche de son chandail.

« Sont toute en train de nous clearer ! Les Américains ramassent toute ! »

Fernande est l’essayeuse de la North American Shoes. Elle porte une pointure de grandeur 6. Régulièrement, une paire lui est assignée. Une fois lassée, elle notait toutes les sensations que lui procuraient les chaussures neuves. Elle marchait de l’usine de la NAS jusqu’à l’église de Frontenac. La compagnie avait conclu une entente avec l’Archevêché. Un punch clock avait été installé sous l’escalier de béton. Fernande inscrivait le départ de son casier, punchait à nouveau à destination, puis revenait à bon port. Pas question de laisser Fernande s’épivarder en ville. L’aller-retour avait été évalué à la minute près, pour un pas régulier.

Fernande n’exécutera plus une seule enjambée pour la NAS…

« Y ferme la shoppe, mon Ernest. Je le sais. Le surintendant vient de me le dire. Sur cent jobs, y’en garde la moitié jusqu’en février. Le reste, c’est pour finir les commandes. Y rapatrissent toute aux States, les mosus ! »

Le poseur de semelles ravale et entre sans s’annoncer dans le bureau du patron. Le petit homme aux cheveux bruns graisseux, séparés en plein milieu du crâne, invite Ernest à s’asseoir.

« On sait que tu te surpasses et que décembre qui commence s'affiche toujours comme ton meilleur mois.
─ Je vais recevoir une augmentation, c’est ça ? Un gros bonus ?
─ Pas exactement. Dupont Shoes, ben la North American Shoes maintenant, rapatrie certaines de ses opérations aux States. On vient de perdre les semelles. On envoie les coquilles jusqu’en février dans le New Hampshire et ils produisent le reste.
─ Ben vous me mettrez ailleurs, y’a pas de trouble, je les connais par cœur ces souliers-là !
─ L’usine va fermer en février. Je n’ai plus de place pour toi.
─ Juste avant Noël, ça n’a pas de bon sens ! Je vais faire comment pour offrir des cadeaux ? C’est moi qui apporte l’argent à maison ! Venez pas me faire croire que vous n’avez pas d’ouvrage pour moi jusqu’en février, au moins ?
─ Ernest, je sais que tu es sobre depuis six mois, mais j’ai entendu dire que tu n’avais pas été sage à une couple de reprises sur la job en novembre...
─ Ça, c’est Maltais qui a ouvert sa grande gueule ! C’est lui qui a apporté une bouteille sur la chaîne de montage. J’ai bu juste trois bouchons !
─ Mais ta production a diminué de 10 % en novembre. C’est évident que tu n’entres plus saoul le matin, mais on ne peut pas te garder.
─ Pas sage, oui ! »

1 commentaire:

Richard Tremblay a dit…

L'idée c'est de revenir doucement et ne pas s'inquiéter de la régularité. C'est le fun de te lire à nouveau. Et c'est awesome (j'essaie d'avoir l'air hip avec un vocabulaire approprié), de te remettre à la fiction !!