Dans sa dédicace, l’auteur du roman La mémoire du funambule, Bruno Crépeault, m’écrit qu’il attendra «la critique de 3
pages».
Plus tard, dans une vignette vidéo,
l’auteur décrit son bouquin comme «une histoire de gars».
Bon, la table est mise.
Cher Bruno, tu n’auras pas trois pages. Petite
familiarité ici, je le connais depuis un bout. Et j’envie son talent. Qu’il a
pris trop de temps à partager. Ça, il le sait que trop. Je suis convaincu que
le train est maintenant parti.
Chaque chapitre de ce décompte d’une «ligne
de temps» est précédé de courts états d’âmes d’un homme prisonnier de son
corps. Est-il mort? Est-il dans le coma?
Cet homme est tour à tour enfant,
adolescent, amant, père, fils et ami. Un jeune homme qui sera marqué par son premier
employeur, un vendeur ambulant de crème glacée. Une vie qui se tend comme un
câble sur lequel Jacob marche comme un funambule.
Voilà, l’histoire est toute simple.
Tombera-t-il?
En fermant le bouquin, j’ai compris cette
histoire de gars. Une petite pudeur laissée de côté et qui finit par mettre en
exergue l’amour. Les gars ne parlent pas souvent d’amour. De sa conjointe ou de
son enfant. De cet amour-respect d’un mentor rencontré tout jeune. De cet
amour-amitié essentiel pour évoluer en parallèle d’une âme sœur. Un roman d’amour. Pour gars.
Je vous l’ai dit, Bruno a beaucoup de
talent. La mémoire du funambule se présente comme un roman volontairement «construit».
Ce qui n’est pas surprenant de l’auteur qui peut se targuer d’être concepteur
de jeu (j’allais dire de société. Disons jeu de table). Il sait y faire en
stratégie et vous mène loin de la trame linéaire. Contradiction avec ce fil de
vie. La beauté est là. Il joue avec son récit et le lecteur y trouve son
bonheur. Le lecteur devient aussi funambule et suit le décompte des chapitres
de la vie de cet homme mort… ou comateux?
Bruno a du talent. Je vous laisse gouter
ces petites bouchées :
« L’infirmière parle lentement et fort,
comme si elle vissait les mots dans une tête de bois. »
***
« Malgré l’air aseptisé, des relents
écoeurants se révèlent peu à peu : plaies de lit, sueur et merde; mais
aussi des odeurs d’attente, de doutes et de solitude. »
***
(Ville de Reno) « L’œil saisit d’un coup le
centre-ville, linéaire et rougeoyant, et la banlieue, édredon noir sur le désert
endormi. »
***
« Laisser le passé remonter comme des
bulles à la surface d’un lac. Ou comme des poissons morts.
Respirer.
Attendre.
Attendre.
… jusqu’à ce qu’on me soulève une paupière
et me braque un soleil dans l’œil. »
***
En fin de compte, Bruno, tu aurais ton
trois pages si j’avais abordé la question du destin. T’sé, un petit débat entre
ce destin composé de « Si » ou celui des Stoïciens.
Je préfère, de loin, ta phrase phare :
« La vie est une guirlande faite d’inattendus. »
Merci Bruno. Comme on dirait au vestiaire,
belle job Brew!
p.s. : La mémoire du funambule, publié
aux Éditions du Quartz, est en lice au 12e Grand Prix littéraire
Archambault. Le lauréat sera dévoilé mardi 22 janvier, vers 18h30.
Merde, Bruno.
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